Blasphème?
Vous, qui faites métier d’intelligence m’avez demandé, par malice, ce qu’il fallait entendre par « L’enfant est le père de l’Homme ».
N’étant que l’homme dont parlait Zarathoustra, celui qui récuse toute interrogation sur le sens de l’existence terrestre : « Amour ?Création ?Désir ?Étoile ? :Qu’est-ce que c’est, ironise-t-il ? »
N’étant que cet homme je devrais honnêtement vous répondre : Je n’en sais rien.
Mais le vairon à l’œil rond qui s’agite inlassablement dans le bocal qui me tient lieu de tête saisit tous les leurres qu’on agite devant lui sans se soucier de se faire prendre à l’hameçon.
Trop content de gober votre appât il en savoure le goût :
Celui de Nietzche ne peut se déguster qu’au travers de son génial caractère de Philologue et de Musicien. Sa pensée vole si haut que son expression exige l’air rare et pur des hautes sphères :
Que ce soit sous forme d’aphorismes rhapsodiques (Humain trop Humain) ou poétique (ainsi parlait Zarathoustra). Comme pour la musique, il faut saisir Nietzche par le « ressenti » émotionnel plutôt par la compréhension des mots dans le sens «Universitaire » convenu.
On ne pénètre pas Nietzche, on se laisse infiltrer par lui.
Dans sa version banale «L’Enfant est le Père de l’homme » initialement exprimée dans un poème Anglais, reprise comme base dans la théorie de l’existentialisme, encore plus péremptoire chez ce bâtard de Freud, on dit que l’enfance forge la personnalité de l’homme. Sorte de Lapalissade dans laquelle il faudrait définir le seuil entre enfance et maturité ce qui, pour ma part, relève de l’impossible. Il y a, déjà, dans l’enfant les bourgeons détestables de l’envie et de la possession et chez l’homme des zestes d’enchantements enfantins. La question, telle que vous la posez, suppose l’Homme en tant qu’abouti. (Oui aussi)
Or Nietzche plutôt que d’admettre « l’Homme » comme absolu définitif voudrait lui voir refuser de porter le chaos, en quoi tient toute la tragédie du monde, et « enfanter » une étoile dansante qui le porterait au-delà.
Si l’Enfant est le père de l’Homme, l’Homme devient, à son tour, géniteur de lui-même dans l’enfantement de son surpassement. Ainsi naitrait le « Surhomme » seul apte « A résoudre ce qui est déchiré » et à stopper la régression qui finit au « Dernier Homme ».
Ainsi parle celui qui croyait se contenter d’être ce Dernier, mais qui n’est, en fait, qu’un vairon.